Pourquoi l’intelligence émotionnelle devrait être enseignée dans les écoles de compta et de finance ?

Vie & bien-être au travail
Montée en compétences & carrière
12
min
Publié le
16/10/24

L'invité de cet article

Jennifer Perrault
Après avoir développé pendant 15 ans ses compétences en conseil, communication et direction financière au sein de moyennes et grandes organisations (CAC 40 et PME), Jennifer Perrault s’est formée à l’Executive Coaching à HEC. Elle a fondé Nahara Consulting afin d'aider les salariés et les entreprises à trouver le fonctionnement qui leur permette d'aligner bien-être et performance.

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Sommaire

Le monde de la finance et de la comptabilité est sur le point de connaître une petite révolution, portée par les évolutions technologiques, impactant de manière durable le rôle des financiers et notre façon d’y amener de la valeur. 

 

Loin d’être à craindre, il s’agit d’une incroyable opportunité de se recentrer sur nos savoirs-être, et d’investir des compétences-clés pour devenir un business partner performant et recherché. 

 

Découvrir et développer son intelligence émotionnelle au travail en est une clé indispensable, et je vais vous expliquer pourquoi 🧠👥

Quand l’IA change la face du monde (des chiffres)

 

Vous l’avez déjà sans doute entendu partout, expérimenté peut-être par vous-même, l’IA va changer la donne. 

 

La digitalisation est un processus enclenché depuis de nombreuses années, mais la pandémie de Covid et le développement récent des LLM (les Learning Language Models) ont accéléré les choses. 

 

Ainsi selon une étude Accentureen 2018 les CFO interrogés affirmaient que 34% de leurs tâches étaient automatisées, avant que ce chiffre ne bondisse à 60% en 2021. 

Cette transformation profonde est vouée à impacter en particulier les métiers comptables ainsi que ceux de la finance.

Par exemple, le plan de développement de Pennylane inclut l’intégration d’une IA basée sur le modèle GPT, ayant été nourrie avec du PCG, BOFIP et autres sources de données spécifiques, qui permettra au collaborateur de poser directement des questions sur la façon de comptabiliser une opération, et remontera des signaux d’analyse permettant d’alerter sur une aide ou mission à proposer au client.

 

Cet appui technologique laissera bientôt le champ libre aux collaborateurs pour prendre de la hauteur, des initiatives et participer à la prise de décision. 

D’ailleurs, certains n’ont pas attendu l’IA pour affirmer ce rôle de communicant et business partner : Joe Knight, un entrepreneur américain auteur avec Karen Berman du livre Financial Intelligence, défend depuis des années l’importance de la communication entre les financiers et les opérationnels. 

 

Il affirme par exemple, et je suis sûre que ça va vous faire réagir, que la compta est un art, et non une science

 

Outrés ? Pourtant, ce que nous appelons nos chiffres « réels » contiennent souvent des dizaines d’hypothèses déterminées pour modéliser un risque (provisions clients douteuses, PRC…), ou intègrent parfois à leurs actifs des entreprises dont la valeur a été estimée moyennant des modèles et des hypothèses…plus ou moins probables.

 

Dans ce contexte, les professionnels de la comptabilité et de la finance doivent être capables d’expliquer aux opérationnels les bases de la comptabilité, mais aussi savoir obtenir des leurs clients des informations menant à des estimations plus justes. 

 

La communication joue donc un rôle central dans les nouvelles relations entre les professionnels du chiffre et les entreprises

 

Et pour cela, les compétences d’intelligence émotionnelle jouent un rôle majeur.

 

En effet, qu’est-ce que communiquer si ce n’est traduire un message en partant de ce qui a du sens pour vous, pour arriver à ce qui a du sens pour l’autre ? 

 

Chacun construit du sens en percevant et articulant la réalité à travers des filtres qui lui sont personnels, constitués de ses expériences, valeurs, croyances, et coloré par ses états émotionnels. 

 

Faire passer un message de manière efficace requiert de savoir écouter avec empathie et percevoir ces filtres chez l’autre.

Mais d’abord, qu’est-ce qu’on appelle l’intelligence émotionnelle ?

 

Terme utilisé pour la première fois en 1990, mais dont on peut retracer l’émergence jusqu’à Darwin, l’intelligence émotionnelle a été modélisée de différentes manières, suivant les subtilités du dialogue entre les spécialistes.

On retient généralement le modèle de Salovey & Mayer, le modèle de Goleman et le modèle de Reuven Bar-On (1997).

Selon ce dernier, l’intelligence émotionnelle articule ensemble un éventail de compétences, plus ou moins disponibles chez chacun d’entre nous à un instant T, qui influencent radicalement notre façon de nous percevoir, de nous exprimer, de nourrir nos relations, de gérer les difficultés, de prendre des décisions et passer à l’action. 

En somme, l’intelligence émotionnelle est la capacité à percevoir, comprendre, gérer et utiliser ses émotions et celles des autres de manière efficace et constructive.

Vous l’avez compris, développer son intelligence émotionnelle c’est d’abord travailler sur ses émotions.

 

Et la bonne nouvelle, c’est que ça se muscle !

 

Darwin a été le premier à explorer le rôle des émotions dans sa théorie de l’évolution, en publiant en 1872 L’Expression des émotions chez l’homme et les animaux

 

Les émotions de base identifiées par Darwin sont la peur, la joie, la tristesse, et la colère. En 1971, le psychologue Paul Ekman, pionnier dans l’étude des émotions, y ajoute la surprise et le dégoût.

Les émotions de base selon Darwin et Ekman

 

Pourquoi est-ce que je vous raconte ça ? Parce qu’il est important de réaliser que les émotions sont universelles, communes aux humains et aux animaux, et jouent un rôle dans la théorie de l’évolution. 

 

Il est d’autant plus important de le rappeler que notre culture occidentale oppose fréquemment émotions et rationalité, en regardant les premières avec une forme de dédain, de méfiance, et surtout, comme si l’on pouvait s’en affranchir. 

Non, les émotions ne sont pas les ennemis de votre carrière (au contraire !) 

 

Qui n’a pas croisé une personne déclarant qu’elle maîtrise parfaitement ses émotions, qu’elle n’a pas de colère, n’est jamais triste ? Qui n’est pas tenté parfois de le prétendre lui-même ? En témoigne l’absence criante de discours sur les émotions dans nos écoles de commerce et dans nos entreprises.

 

Le hic, c’est que nos émotions ont une fonction.

Elles ont été profondément ancrées au cours de l’évolution et sont pour nous des signaux d’alerte nous permettant de nous mobiliser pour répondre à nos propres besoins : survivre (le dégoût), s’adapter de manière immédiate (la surprise), être respecté (la colère), être consolé (la tristesse), être rassuré (la peur), et partager une connexion (la joie).

 

Le deuxième hic, c’est qu’on ne peut pas par la pensée « rationnelle » contrôler nos émotions. Pas si on entend « les supprimer ». 

 

On peut les accueillir ou les nier, les gérer bien ou moins bien. 

 

Les recherches récentes en neurosciences étudient d’ailleurs le rôle du Système Nerveux Entérique (SNE), avec ses 100 millions de neurones situés dans notre système digestif, et suggèrent que ses réponses rapides à des stimuli émotionnels influencent nos émotions et nos états physiologiques sans passer par un processus cognitif conscient.

 

Et de ce fait, nous ne pouvons pas décider de laisser nos émotions au vestiaire en badgeant le matin. Et heureusement ! 

 

Vouloir traverser sa vie professionnelle sans s’appuyer sur l’intelligence émotionnelle, c’est comme dans ces jeux de RPG (role playing game, ou jeu de rôle en français) où votre personnage devient soudain trop lourd du butin accumulé et n’avance plus qu’au ralenti.

 

En ce qui concerne les émotions, le vrai game-changer est le moment où l’on comprend qu’il est vain d’essayer de faire sans, et où l’on commence à apprendre à faire avec.

 

Me revient l’exemple d’une manager en contrôle de gestion qui s’entendait très mal avec une manager RH. 

 

Elle ne préparait que les données factuelles de leurs réunions, et s’efforçait d’ignorer les provocations jusqu’au jour où elle est partie en claquant la porte, ce qui a desservi non seulement l’avancée du projet, mais aussi son image dans l’entreprise. 

 

Quinze ans et deux coachings plus tard, elle a appris à reconnaître et exprimer ses émotions, ce qui lui permet de réagir en posant des limites de manière adéquate et professionnelle. 

 

En travaillant son empathie, elle crée désormais davantage d’alliances avec ses interlocuteurs ce qui l’amène à être plus efficace et de faire avancer ses projets plus vite. 

 

Elle est reconnue pour son expertise métier et est maintenant directrice financière dans une entreprise d’envergure.

 

Comme le dit Chris Voss, ancien négociateur du FBI, consultant en négociation et professeur à Harvard dans son excellent livre Ne coupez jamais la poire en deux, écouter n’est pas une activité passive

 

C’est même la chose la plus active que vous puissiez faire. 

 

Établir un rapport humain et gagner la confiance d’une personne est fondamental au quotidien dans une entreprise. 

 

Que ce soit pour guider une équipe, diriger un projet, résoudre un différend, gagner un client, apaiser un fournisseur – développer ces compétences humaines enrichira votre quotidien et le rendra cent fois plus facile. 

 

Chris Voss rappelle le principe universellement reconnu que chacun veut être compris et accepté

 

Des recherches en psychothérapie démontrent que lorsqu’une personne se sent écoutée, elle tend elle-même à mieux écouter et passer à un état serein d’où une pensée plus claire est possible et des compromis plus aisément atteignables. 

 

Le FBI a intégré l’empathie tactique et a élevé l’écoute active au niveau d’art martial.

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Intelligence émotionnelle : un filtre contre les biais cognitifs 

En 1975, les dirigeants d’Elf Aquitaine et les pouvoirs publics se laissent convaincre par deux « inventeurs » sans aucune expérience, qui prétendent avoir mis au point un procédé permettant de détecter du pétrole dans les sous-sols depuis un avion

 

La supercherie durera 4 ans et engloutira 1 milliard de francs…

 

Ce genre d’histoires, il y en a des milliers. On a tous déjà entendu parler de ces erreurs de décisions aux impacts financiers et opérationnels dramatiques. 

 

Vous avez peut-être vous-même déjà réalisé que vous étiez capables de grosses erreurs de jugement. 

 

Et le niveau d’intelligence n’a pas forcément grand-chose à voir là-dedans. 

 

Ces décisions erronées d’investissement ont été réalisées par des personnes instruites, expérimentées et intelligentes – qui se sont fait avoir par quelque chose qui nous touche tous : les biais cognitifs.

 

Daniel Kahneman, docteur en psychologie et un des pères de l’économie comportementale, est l’une des personnes à avoir montré que nous ne sommes pas purement rationnels – nous commettons des erreurs et sommes soumis à des biais : effet de halo, effet de cadrage, biais de confirmation, en tout plus de 150 biais cognitifs ont été répertoriés. 

LISTE AVEC EXEMPLES DE BIAIS COGNITIFS 

Ses travaux montrent que deux systèmes entrent en jeu lorsque nous prenons nos décisions : 

  • L’un, rapide et automatique, fonctionnant par schémas associatifs, nous permet de décider et réaliser des milliers de choses au quotidien.
  • Et l’autre, plus rationnel, lent, logique et demandant plus d’énergie, exerce un contrôle sur l’influence du premier.

Les biais cognitifs prennent pour la plupart leur source dans le Système 1. 

Or, nos émotions y sont fortement impliquées, déterminant le prisme des intuitions fournies par ce système. 

Une personne anxieuse identifiera plus facilement des signes de danger, tandis qu’une personne euphorisée par le succès sera plus sensible aux signaux positifs, et fera parfois preuve d’une confiance excessive en oubliant de considérer attentivement la situation.

 

On voit ainsi facilement en quoi développer son intelligence émotionnelle au travail, et particulièrement la capacité à déceler ses propres émotions et connaître leur capacité d’influence, est précieux dans le monde professionnel. 

Comment développe-t-on son intelligence émotionnelle au travail ? 

 

La formation, les ateliers collectifs, quelques séances de coaching : il y a de nombreuses façons de travailler sur son intelligence émotionnelle. 

 

L’humain étant un être relationnel, il est idéal de commencer ce travail dans un climat sûr et de confiance : soit en collectif avec vos pairs et votre formatrice, qui vous accompagnera dans la découverte à travers des explications, des expériences pratiques et un questionnement, soit en face-à-face avec un coach pour un accompagnement plus personnalisé, au cas par cas, sur les éléments que vous avez envie de travailler.

 

Le modèle élaboré par le docteur Reuven Bar-On a le grand avantage d’avoir donné naissance à un inventaire de quotient émotionnel : l’EQ-i 2.0, le seul test de QE élaboré par un médecin et mis au point après 17 années de recherche, basé sur un panel de 4 000 personnes. 

Quelques exemples de biais cognitifs

C’est également le seul dont la validité est reconnue par trois communautés scientifiques officielles. 

 

En faisant le débriefing de ce test, le participant peut découvrir l’état des lieux de ses compétences, et comprendre les liens entre celles-ci et ses comportements expliquent sa manière de se percevoir, de s’exprimer, de se relier aux autres, gérer le stress et prendre des décisions.

 

En partant de ce lien très concret entre comportements et intelligence émotionnelle, on peut ainsi naviguer en suivant un nouveau point d’horizon, support précieux à la découverte des leviers qui vous accompagneront dans votre évolution vers une meilleure connaissance de soi, une communication plus ouverte, des relations plus riches, de meilleures décisions et un rapport au stress complètement transformé.

Besoin d'une coach pour faire de l'intelligence émotionnelle une force dans votre carrière ? Nahara Consulting aide les entrepreneurs, les managers et les DRH à apprivoiser leurs émotions et en faire vos alliées pour devenir plus performant au quotidien. 

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