Burn-out out en cabinet comptable : 8 signes à ne pas prendre à la légère

Vie & bien-être au travail
9
min
Publié le
6/11/24

L'invitée de cet article

Fabienne Petetot
Fabienne Petetot est psychologue du travail, avec une expérience de 20 ans auprès de personnes en situation de burn-out et de souffrance psychique face à l'emploi.

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Sommaire

Quand le stress au travail devient une routine et que chaque journée ressemble à un sprint sans fin… attention au burn-out 🤯

Ce syndrome, reconnu par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme un « phénomène lié au travail », dépasse la simple fatigue passagère. 

Il se manifeste par trois dimensions : une fatigue intense, un détachement émotionnel et une baisse de l’efficacité.

Il peut mener à une véritable dépression, et ne doit donc pas être pris à la légère. 

Si toutes les professions peuvent être touchées, la filière comptable figure en tête de liste. 

Le constat est alarmant : 50 % des experts-comptables connaissent un confrère qui a été victime de burn-out. 

Les deadlines serrées, la surcharge de travail, les horaires à rallonge et la pression des clients peuvent rapidement se transformer en cocktail explosif. 

Pourtant, l'épuisement professionnel reste souvent sous-estimé, voire ignoré, jusqu’à ce que ses effets sur la santé mentale et physique deviennent impossibles à ignorer.

Pour aider à repérer les signaux avant qu’il ne soit trop tard, Fabienne Petetot, psychologue du travail spécialiste de la souffrance au travail, partage ses conseils pour identifier les premiers signes de surchauffe et reprendre la main sur sa santé.

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Burn-out : pourquoi les cabinets comptables sont-ils des milieux à risque ?

« Les comptables ont une responsabilité immense : ils sont le “poumon des entreprises”, ceux qui garantissent que les chiffres, les déclarations, les obligations légales sont conformes et à jour » – affirme Fabienne Petetot.

La pression est omniprésente, bien que souvent invisible. 

Une étude sur le stress en milieu comptable, menée par Ivan Tuil, mémorialiste, auprès de 600 experts-comptables révèle que de nombreux collaborateurs en cabinets comptables travaillent régulièrement plus de 50 heures par semaine, avec des accalmies assez rares. 

S’agissant des experts-comptables eux-mêmes :

  • 11 % reconnaissent avoir eu un burn out ;
  • 50 % connaissent un expert-comptable qui a été victime de burn out ;
  • 90 % des professionnels victimes de burn-out indiquent qu’ils n’ont pas été accompagnés dans cette épreuve ;
  • 96 % des répondants n’ont jamais suivi de formation de prévention du burnout.

Les sources de stress principalement citées par les experts-comptables sont la pression des échéances (92%), les évolutions réglementaires (78%), l’exigence d’excellence toujours supérieure (74%) et la relation avec la clientèle (72%).

Les collaborateurs, quant à eux, ont souvent tendance à se surinvestir dans leur travail. 

C’est pour cette raison qu’il leur est souvent très difficile d'envisager de s'arrêter, même lorsque les signes d'épuisement sont évidents. Ce qui peut mener à un burn out. 

Comme l'explique Fabienne Petetot : « Même lorsqu'ils arrivent à consulter et qu'on leur conseille un arrêt de travail, ils éprouvent une immense culpabilité vis-à-vis du cabinet. Ils pensent : “il y a les calculs de TVA qui arrivent", ou encore "je ne peux pas laisser mes collègues seuls”. Leur sentiment de loyauté auprès des entreprises clientes les met également en difficulté, par peur que le client ne soit récupéré par un collègue ou pire par la concurrence ». 

Souvent conscients que leurs collègues sont dans la même situation qu'eux, les comptables préfèrent rester, refusent de  “lâcher” l'équipe, même au détriment de leur propre santé : « Beaucoup se disent que s'ils s'arrêtent, cela va être très difficile de rattraper le retard, et qu'ils vont devoir reconstruire la relation avec leurs clients », souligne la psychologue. 

Enfin, nombreux sont ceux qui refusent tout simplement de voir qu'ils vont mal. « Ils se disent “c'est pour le moment”, “ça va aller mieux”, et retardent ainsi les prises en charge », explique Fabienne Petetot. 

Cette attitude de déni est malheureusement très courante dans les cabinets comptables. 

Les collaborateurs ont souvent du mal à admettre qu'ils ont besoin d'aide, car cela serait synonyme d'échec

Mais, comme le souligne la psychologue, « ce n'est pas une guerre, c'est une problématique de santé. Il faut sortir de ce discours guerrier (“je suis sur le front”, “en première ligne”) pour comprendre que demander de l'aide est une forme de force, pas de faiblesse ».

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Les 8 signes avant-coureurs du burn-out à surveiller

Fabienne Petitot nous donne des pistes pour identifier un burn-out en cabinet comptable avant qu’il ne fasse trop de dommages :

1) La boule au ventre

L'angoisse d'aller travailler est souvent l'un des premiers signaux d'alarme. 

La psychologue explique : « Si la simple idée d’aller ou de penser au travail provoque une boule au ventre, c’est le signe que quelque chose ne va pas. »

La boule au ventre est un symptôme évident que le travail est perçu comme une source constante de tension, sans moment de relâchement. 

2) Insomnie et fatigue non réparatrice

Vous avez des difficultés à récupérer après une journée de travail ? Vos week-ends ne vous reposent pas ? Cela pourrait être un pré-burn out. 

« Normalement, une nuit de sommeil doit permettre de recharger les batteries. Si ce n'est pas le cas, et que la fatigue persiste au-delà de quelques jours, c'est un signe qu'il y a un problème de fond », alerte Fabienne Petitot.

Les troubles du sommeil, qu'ils se manifestent par des difficultés à s'endormir, des réveils fréquents ou une fatigue persistante au réveil, indiquent souvent que le corps et l'esprit n'arrivent plus à relâcher la pression. 

C'est comme si l'interrupteur du stress restait bloqué sur “ON”.

3) Épuisement physique

L'épuisement ne se limite pas à la tête ; le corps envoie lui aussi des signaux. « Difficulté à se lever, erreurs à répétition, trous de mémoire… Ces signes traduisent un épuisement physique et psychique ».

Pire encore, cela conduit souvent à un surcontrôle. « En comptabilité on n’a pas le droit à l’erreur. Alors on va chercher à compenser en contrôlant encore plus ce que l’on fait. » 

Ce cercle vicieux entraîne encore plus de fatigue, et moins de capacité à se concentrer sur l'essentiel.

4) Perte de confiance en soi

« Beaucoup se comparent aux autres, se disent que leur voisin y arrive alors qu'eux non. » 

Le sentiment de ne pas être à la hauteur est dévastateur pour ceux qui le ressentent.Cela génère un sentiment de culpabilité,  de perte d'estime et de confiance en soi, et fragilise davantage, au risque de favoriser un processus dépressif et contribue aussi à l'épuisement.

Cette perte de confiance peut également pousser à éviter certaines tâches, par peur de ne pas réussir, aggravant ainsi la charge mentale et la culpabilité ressentie.

5) Perte de motivation et d'envie

« Ce ras-le-bol général, cette agressivité qui monte à chaque nouvelle tâche ou demande, ce n'est pas de la mauvaise volonté, c'est un signe d'usure », précise la psychologue.

La perte de motivation va se traduire par une procrastination grandissante, une incapacité à se projeter dans des projets futurs, et une vision de plus en plus négative du travail. 

Cela s'accompagne parfois de comportements de retrait, comme éviter les réunions ou les interactions avec les collègues.

6) Sentiment de non-reconnaissance

Avoir l'impression que quoi que l'on fasse, ce n'est jamais suffisant. 

« Les comptables ont souvent ce sentiment de ne jamais être reconnus à leur juste valeur, que les autres ne sont jamais satisfaits. »

Quand les efforts semblent invisibles ou systématiquement minimisés, cela crée une frustration grandissante – et un terreau fertile pour le burn-out.

À terme, cette non-reconnaissance peut mener à un désengagement total du poste, une absence d'investissement émotionnel, voire un cynisme grandissant envers l'organisation et les collègues.

7) Addictions 

« Boire pour décompresser le soir, ou pire, boire le matin pour avoir la force de se lever, est un signe alarmant » – avertit Fabienne Petitot. 

L'alcool, les médicaments, ou certains comportements compensatoires comme une alimentation excessive, deviennent parfois une béquille pour faire face à la pression. 

Quand on commence à avoir besoin d'une aide extérieure juste pour tenir, c'est le signe que le burnout n'est pas loin. 

Ces comportements traduisent une incapacité à faire face à la pression sans recourir à un moyen externe, signe que les ressources internes sont épuisées.

8) Troubles musculo-squelettiques (TMS)

Lorsque le corps est constamment en alerte, les muscles restent tendus, et cela peut conduire à des douleurs chroniques qui deviennent difficiles à traiter sans repos et sans changement des conditions de travail.

« Les tensions dans le dos, les épaules, la nuque… Ces douleurs qui ne disparaissent pas montrent que le corps ne suit plus. Ce sont des signes que le stress s'est installé profondément »

Le corps parle souvent avant l'esprit, il est un bon indicateur de la souffrance accumulée, et il faut apprendre à l'écouter.

Les TMS peuvent être aggravés par la posture statique prolongée devant l'ordinateur, combinée au stress qui contracte les muscles. 

Les conséquences à long terme du burn-out

« Plus on résiste, plus les conséquences seront lourdes » – alerte Fabienne Petitot.

Le burnout n'est pas un simple coup de fatigue, et ses répercussions peuvent être dramatiques, surtout lorsqu'il est ignoré pendant longtemps. 

Au-delà de l’épuisement mental, les séquelles peuvent se manifester au niveau du système cardiovasculaire, par des douleurs musculaires, des troubles musculo-squelettiques (TMS) ou encore des anomalies du rythme cardiaque. 

Selon des chercheurs de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, travailler plus de dix heures par jour, au moins 50 jours par an, augmenterait de plus de 29 % le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC).

Sur le plan cognitif, les troubles peuvent inclure une lenteur accrue, des difficultés de concentration sur des tâches complexes, et une altération de la mémoire. 

La fatigue générale due au surmenage finit par affecter le cerveau 🧠 

Jean-Denis Budin, chercheur en sciences de gestion à Paris Dauphine et auteur de “Ne vous tuez plus au travail”, a expliqué lors d'une interview pour Ouest-France : « Il peut y avoir une altération neuronale, voire une destruction de certaines zones du cerveau. Beaucoup se plaignent de pertes de mémoire, la zone de la mémoire étant une des premières touchées. »* 

Le cerveau, épuisé par le stress constant, perd de sa plasticité, ce qui rend difficile la récupération des capacités initiales.

Le secteur comptable est particulièrement touché par la difficulté de revenir après un burn-out. 

Le métier exige une forte concentration, ce qui peut devenir un véritable défi pour ceux qui ont traversé un épisode d'épuisement professionnel. 

Beaucoup finissent par être redirigés vers des postes de saisie, où la charge cognitive est moindre. 

Fabienne Petitot précise : « En comptabilité, l'impact du burnout est tel que la reconversion est souvent la seule option viable. Malheureusement, beaucoup se retrouvent à des postes moins valorisants, car leurs capacités à gérer la pression et les échéances sont affectées durablement. »

Pour certains, la seule issue est de quitter complètement le monde de la comptabilité, ce qui représente une reconstruction personnelle et professionnelle difficile, surtout après des années d'expérience et d'investissement dans ce domaine.

Mais la reconversion est également un parcours semé d'embûches. Le secteur comptable n'offre pas toujours de passerelles évidentes vers d'autres métiers, et les compétences acquises sont souvent spécifiques, ce qui limite les possibilités de changement de carrière. 

Que faire quand on se reconnaît dans ces signes ?

Quand on commence à sentir que la situation dérape, il faut faire un premier pas vers un professionnel de santé. 

« Les premiers interlocuteurs à solliciter sont le médecin généraliste, qui va pouvoir prescrire un arrêt le cas échéant,  et la médecine du travail pour avis et conseils sur la suite. », explique l’experte

Contrairement aux idées reçues, le médecin du travail n’est pas là uniquement pour la visite de routine tous les deux ans. 

Plus il reçoit de demandes de visites, mieux il peut intervenir et évaluer la réalité de la situation de chacun.

Dans ces conditions, dialoguer avec son employeur peut sembler intimidant, surtout quand on se sent déjà vulnérable. 

Pourtant, c’est une étape importante pour enclencher un changement. 

« Il ne faut pas hésiter à dire à son employeur : “Je ne vais pas bien, est-ce qu’on peut en parler ?” », souligne l’experte. 

Et si les réponses tardent à venir, il est essentiel de persister. « Mon conseil : après plusieurs sollicitations de l'employeur sans réponse,  faire une demande par mail à la médecine du travail pour solliciter un rendez-vous tout en mettant l'employeur en copie pour ouvrir le dialogue si l'employeur peine à effectuer la démarche. »

La médecine du travail pourra également orienter vers un psychologue ou mettre en place un programme de prévention des risques psychosociaux (RPS). 

L’idée ? Mieux gérer la pression, identifier les signaux d’alerte et éviter que la situation ne s’aggrave.


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