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Toute entreprise qui se développe à l’international 🌍 doit comprendre et maîtriser les problématiques liées à la TVA intracommunautaire.
Lorsque vous (ou votre client) réalisez des échanges au sein de l’Union européenne, vous êtes soumis au régime de la TVA intracommunautaire.
De ce fait, vous devez à ce titre remplir des obligations fiscales et déclaratives non seulement en France, mais également dans les pays où vous réalisez certaines opérations.
Quelles règles de TVA régissent vos échanges intracommunautaires ? Quel est leur champ d’application ? Quelles sont vos obligations en matière de TVA, déclarations EMEBI, état récapitulatif TVA, DES ?
Cet article vous présente les fondamentaux de la TVA intracommunautaire et les règles de comptabilité qui lui sont associées, pratiques pour tout professionnel en cabinet ou en entreprise qui travaille avec des clients internationaux.
Définition et champ d’application de la TVA intracommunautaire
TVA intracommunautaire : définition
La Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) est un impôt indirect sur la consommation 🛒
Elle s’applique sur les biens et les services consommés en France mais également dans l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne.
Il faut savoir en effet que l’Union européenne représente une unité pour vos échanges :
- Avec le régime de TVA intracommunautaire, qui s’applique dans les 27 pays de l’UE avec des règles de territorialité communes (Directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006).
- Avec la libre circulation des biens au sein de l’Union douanière (Code des douanes de l’Union – CDU du 1er mai 2016)
Ce champ d’application territorial vous permet de distinguer :
- Vos échanges entre la France et les autres Etats membres, soumis au régime de la TVA intracommunautaire ;
- Vos opérations d’import/export, soumises aux formalités douanières : exportations exonérées et importations soumises à TVA ;
- Vos échanges extracommunautaires hors champ d’application de la TVA intracommunautaire.
Sachez que certains territoires qui dépendent de l’UE ont un statut particulier au regard de la TVA : cela signifie concrètement que la TVA intracommunautaire n’y est pas applicable ou qu’elle s’y applique différemment.
C’est le cas par exemple de la Guyane française et de Mayotte où la TVA ne s’applique pas.
Notez également que les 5 DOM (Guyane, Mayotte, Réunion, Guadeloupe et Martinique) représentent des territoires d’exportation pour vos échanges de biens : toute livraison effectuée depuis la Métropole vers un DOM est ainsi considérée comme une exportation exonérée de TVA et soumise aux formalités douanières (article 194 du Code Général des Impôts- CGI).
Le numéro de TVA intracommunautaire : obligatoire pour vos échanges intra-UE
Avoir un numéro de TVA intracommunautaire est obligatoire lorsque vous réalisez des échanges intra-UE.
Tous les assujettis en UE ont un numéro de TVA dans leur pays.
En tant qu’entreprise française, votre numéro de TVA FR vous permet de réaliser des échanges commerciaux avec d’autres Etats membres et de remplir vos obligations déclaratives en France.
Sachez également que, dès que vous êtes redevable de la TVA dans un autre Etat membre, vous devez vous identifier à la TVA dans ce pays si vous n’y êtes pas déjà établi.
Vous devez ainsi posséder un numéro de TVA dans votre pays ainsi que dans tous les pays de l’UE où vous êtes soumis à des obligations fiscales et déclaratives.
Régime de TVA intracommunautaire : principe de l’autoliquidation et conditions d’exonération
Principe de l’autoliquidation
La Directive TVA de 2006 fixe les règles de territorialité de la TVA et pose le principe de l’autoliquidation pour vos échanges intra-UE.
Si des régimes dérogatoires existent, la règle générale B2B prévoit que le fournisseur (le vendeur) facture HT, à charge pour son client (l'acheteur) assujetti d’« autoliquider » la TVA dans son pays.
En d’autres termes, ce dernier paye la TVA d’un côté et la déduit de l’autre avec un habile jeu d’écriture sur sa déclaration de TVA.
Ce régime conduit les administrations communautaires à faire des contrôles croisés pour vérifier que la TVA est correctement autoliquidée dans les pays de taxation.
Dans ce contexte, dès que vous réalisez une livraison ou une prestation taxable dans le pays de votre client, vous êtes tenu d’établir une déclaration fiscale mensuelle, l'État récapitulatif TVA (ERTVA) ou la Déclaration européenne de services (DES), dans laquelle vous déclarez la base imposable et le numéro de TVA de l’assujetti qui devra autoliquider la TVA.
Quick Fixes 2020 : les conditions d’exonération des LIC
Pour aller plus loin, sachez que vous pouvez facturer vos LIC (livraisons intracommunautaires) en exonération de TVA uniquement si vous remplissez les 3 conditions définies par les Quick Fixes 2020 .
Pour pouvoir facturer HT, vous devez ainsi :
- Vérifier la validité du numéro de TVA intracommunautaire de votre client dans le pays de livraison (validation sur la base VIES) et le mentionner sur votre facture ; il est fortement recommandé de conserver une preuve de cette vérification, à présenter en cas de contrôle fiscal ;
- Conserver deux preuves de transport attestant que la marchandise est bien sortie du territoire national pour être livrée dans un autre Etat membre (CMR, facture, police d’assurance…). Si le transport est organisé par l’acquéreur, celui-ci doit également vous transmettre une attestation écrite de réception des biens ;
- Déclarer votre LIC dans l’ERTVA, pour permettre aux administrations de faire des contrôles croisés et vérifier que la TVA est correctement autoliquidée dans le pays de livraison.
De la même façon, vous êtes tenu de demander le numéro de TVA de votre client lorsque vous facturez une prestation sous le régime de l’autoliquidation, et de garder une preuve que ce numéro est bien actif pour les opérations intracommunautaires dans la base VIES de la Commission européenne.
Traitement pratique des livraisons et acquisitions intracommunautaires (LIC et AIC)
Règles de TVA de vos livraisons intracommunautaires
Prenons un exemple pour illustrer le régime des LIC : vous êtes une entreprise française et vous vendez des écrans d’ordinateur à un client assujetti en Italie.
Vos produits partent de votre entrepôt à Lyon pour être livrés chez votre client à Milan.
Ils quittent donc le territoire national vers un autre Etat membre : en termes de flux physique, il s’agit d’une expédition en France et d’une introduction en Italie.
En termes de TVA, vous réalisez une livraison intracommunautaire exonérée en France : vous adressez à ce titre une facture HT à votre client.
De son côté, votre client réalise une acquisition intracommunautaire taxable en Italie et doit autoliquider la TVA (article 138-1 de la Directive TVA).
Ce régime d’autoliquidation implique nécessairement que :
- Le fournisseur doit avoir un numéro de TVA dans le pays d’expédition de la marchandise ;
- Le client doit avoir un numéro de TVA dans le pays de livraison.
Peu importe donc le pays dans lequel vous êtes établi : pour définir la règle TVA d’une livraison intracommunautaire, vous devez avant toute chose identifier le flux physique de la marchandise.
Facturation et déclaration fiscale des LIC
Dans notre exemple, vous allez indiquer sur votre facture :
- Votre numéro de TVA FR (pays de départ) ;
- Le numéro de TVA IT de votre client (pays de livraison) ;
- Le taux et le montant de TVA à 0 ;
- La mention « Autoliquidation par l’acquéreur », « article 262 ter-I du CGI » ou « article 138-1 de la Directive 2006/112/CE ».
Vous déclarez ensuite cette livraison exonérée dans le pays de départ de la marchandise :
- Sur votre CA3 : en ligne F2
- Dans votre ERTVA : en régime 21.
Autoliquidation de la TVA des AIC
Si à l’inverse, vous achetez des meubles par exemple à un fournisseur en Allemagne, et que ce dernier vous livre la marchandise en France, vous allez donner votre numéro de TVA FR à votre fournisseur, recevoir une facture HT et vous devrez autoliquider la TVA sur votre déclaration CA3 de la façon suivante :
- Déclaration de la base imposable en ligne B2
- Ventilation de la TVA à payer en fonction du taux applicable en France, lignes 08 à 9B
- Report du montant de TVA à payer sur vos AIC en ligne 17
- Déduction de la TVA en ligne 20
Retenez que si vous réalisez une livraison ou une acquisition depuis un autre Etat membre que la France, vous êtes soumis aux mêmes obligations : vous devez posséder un numéro de TVA et déclarer votre opération dans le pays concerné.
Déclaration d’échanges de biens : l’enquête EMEBI (ex-DEB)
Depuis la réforme de la DEB en janvier 2022, les mouvements de marchandises qui entrent et sortent de France à destination d’autres Etats membres sont déclarés par un échantillon d’entreprises dans l’enquête EMEBI.
Vous êtes concerné par l’EMEBI uniquement si vous avez atteint le seuil de 460.000€ à l’expédition et/ou à l’introduction ET que vous avez reçu un courrier des douanes vous demandant de répondre à cette enquête.
À partir du moment vous recevez ce courrier, vous êtes tenu de déclarer l’ensemble de vos mouvements de biens à l’expédition et/ou à l’introduction, c’est-à-dire l’ensemble de vos flux physiques taxables et non taxables entre la France et les autres pays en UE : cela concerne aussi bien vos livraisons, acquisitions intracommunautaires, que vos transferts de stocks ou vos retours de marchandises.
Notez que l’EMEBI est une enquête, vous devez ainsi y répondre tous les mois même lorsque vous n’avez pas réalisé d’opérations : les déclarations à néant sont obligatoires.
Toutes les informations statistiques à déclarer sont décrites dans la Note aux opérateurs du 10 janvier 2024. Retenez ici que le régime et la nature de transaction sont essentiels pour qualifier le type de mouvement que vous déclarez.
Ainsi :
- Vous déclarez vos livraisons intracommunautaires dans une EMEBI expédition en régime 21 – nature 11
- Vous déclarez vos acquisitions intracommunautaires dans une EMEBI introduction en régime 11 – nature 11
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Comment se comptabilise la TVA intracommunautaire ? Un exemple concret
Quel compte comptable pour la TVA intracommunautaire ?
La TVA intracommunautaire se comptabilise dans le compte 445662 et le compte 4452.
Vous voulez savoir à quoi ressemble la comptabilisation d'une acquisition intracommunautaire ?
Prenons un cas concret d'écritures de la TVA intracommunautaire.
L’achat se fait à un fournisseur : Trustpilot.
Voici la facture :
Et voilà ce que ça donne en termes de saisie comptable :
L'enregistrement comptable de la TVA intracommunautaire doit donc refléter le principe d'autoliquidation.
Traitement pratique des prestations de services intracommunautaires
Prestations relevant du régime général B2B
Si le flux physique détermine les règles de TVA de vos échanges de biens, le raisonnement est tout autre pour vos prestations de services.
Pour vos prestations dites « immatérielles », non rattachées à un lieu précis (prestations de conseils, publicité, formation à distance, etc.), le lieu de réalisation n’a pas d’importance : la prestation est réputée avoir lieu dans le pays d’établissement de votre client assujetti (article 259-1 du CGI).
Pour ce type de prestations, vous allez facturer vos clients en UE sous le régime de l’autoliquidation et votre client autoliquidera la TVA dans son pays d’établissement, peu importe où vous avez réalisé votre prestation.
Vos factures doivent porter les mentions suivantes :
- Votre numéro de TVA FR (pays d’établissement du prestataire)
- Le numéro de TVA de votre client dans son pays d’établissement en UE
- Le taux et le montant de TVA à 0
- La mention « Autoliquidation par le preneur », « article 283-2 du CGI » ou « article 196 de la Directive 2006/112/CE »
Vous déclarez ensuite cette prestation exonérée :
- Dans votre CA3 : en ligne E2
- Dans la Déclaration européenne de Services (DES)
Si vous recevez à l’inverse une facture HT d’un prestataire étranger (UE et hors UE), vous allez autoliquider la TVA sur votre déclaration CA3 de la façon suivante :
- Déclaration de la base imposable en ligne A3
- Ventilation de la TVA à payer en fonction du taux applicable en France, lignes 08 à 9B
- Déduction de la TVA en ligne 20
Régimes dérogatoires B2B des prestations « localisables »
Certaines prestations sont rattachées à un lieu précis : un restaurateur qui vend ses produits à consommer sur place, un électricien qui intervient sur un immeuble, un musée qui vend ses billets d’entrée…
Pour ces prestations dites « localisables », la TVA est due par le prestataire au lieu de leur réalisation (article 259A du CGI).
Peu importe que votre client soit établi en France, en Italie ou en Pologne, vous êtes redevable de la TVA dans le pays où vous réalisez votre prestation.
Si vous intervenez par exemple sur un chantier BTP en Allemagne, cela signifie que vous devenez redevable de la TVA en Allemagne : il vous faut alors demander un numéro de TVA DE, appliquer la TVA allemande sur votre facture et la reverser via la déclaration de TVA locale en Allemagne.
Souvenez-vous que, en tant qu’opérateur établi en UE, vous pouvez vous charger vous-même de vos obligations dans les autres pays mais que vous pouvez également les confier à un mandataire pour garantir votre conformité TVA.
En conclusion, la TVA intracommunautaire vous permet de commercer librement dans les 27 Etats membres tout en assurant une collecte harmonisée de l’impôt.
Elle implique cependant une bonne compréhension de ses mécanismes pour vous permettre d’adopter les bons réflexes et respecter vos obligations dans les pays de vos activités.
Sachez que des cabinets spécialisés (tels qu’Eurofiscalis) existent pour garantir votre conformité TVA et sécuriser le déploiement de vos activités à l’international.
Leurs conseils peuvent être d’une aide précieuse dans un contexte où la TVA intracommunautaire est en constante évolution, notamment avec l’essor de l’e-commerce et les réformes fiscales venant renforcer votre compétitivité sur ce marché.
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